Me voilà au cimetière. L'endroit où j'avais juré ne jamais revenir. Et je suis de retour à Père LaChaise. Peut-être était-ce inévitable, finalement. Peut-être était-ce écrit.
Chaque pas est plus lourd que le précédent. Chaque pas m'amène plus près que je n'ai jamais été de la tombe de ma mère. Chaque pas est une marque au fer rouge sur mon cœur.
Pourtant, je ne recule pas. Je ne recule pas, je ne peux pas et je n'en ai pas envie. Je ne recule pas, j'avance. J'ai les mains moites. Ma gorge est sèche, comme si je n'avais pas bu depuis un bon milliers d'années. J'ai envie de partir en courant mais je ne peux pas. Je n'en ai pas envie. Ou je ne dois pas. Peux pas.
Je divague. Et me voilà devant la tombe de ma mère. Je ne savais même pas où elle se trouvait. Le cimetière est grand, ma mémoire largement faillible et je ne suis venue qu'une fois, ici. Mes pas m'y ont conduit, naturellement. Peut-être que je connaissais ce chemin depuis toujours. En moi.
La pierre est sale, les inscriptions sont illisibles. Ça, c'est tout ce qu'on peut déchiffrer :
À ma tendre, mon bien-aimée.
La seule femme que j'eusse aimé.
Je ne voulais pas pleurer. Je n'ai pas pleurer depuis longtemps. Je ne sais pas jusqu'à quand ça remonte. Si, en fait si. Je sais. Mais je préfère oublier. Comme si je n'avais jamais su.
Mais là, là les larmes coulent d'elles-mêmes. Libératrices, spontanées. Ça me brûle les joues, ça m'aspire l'âme. Pourquoi je pleures ? Je ne veux pas pleurer. Les larmes sont une faiblesse. Et je ne peux pas me permettre d'être faible.
Sur le point de défaillir dans l'émotion me submerge, je suis obligé de m'assoir. Alors je m'assoie. Devant la sépulture, à même le sol, sur le gravât dur. Je m'assoie et je pleure. Silencieusement. Seul le chant d'un coucou qui raisonne dans les conifères brise ce silence.